Papa Gontier

Fleur rose vif, centre ombré de jaune, grande, demi-pleine, bouton pointu, s'ouvre bien, odorante. Arbuste vigoureux, florifère.

Fleur rose vif, centre ombré de jaune, revers des pétales rouge pourpre, très grande, demi-pleine, bouton admirable. Arbuste très vigoureux, très florifère. Le plus beau thé rouge.

Arbuste vigoureux à grosses épines, issue du "Prince Wasiltchikoff". Fleur grande, demi-pleine, très bien faite, rose vif, au centre ombré de jaune, revers des pétales rouge pourpre, extra.

Dans son numéro d’aujourd’hui, le sympathique Journal des Roses offre à ses lecteurs la reproduction artistique de la rose Papa Gontier.

Cette rose, sans rivale dans son genre, est née par un beau jour de soleil d’or et de mer bleue, sur les bords de la Méditerranée, dans le magnifique établissement horticole de MM. Nabonnand et fils, situé en partie au Golfe-Juan, en partie à Antibes et en partie à Estérelle ; elle est issue de la superbe rose Le Prince Wasiltchikoff, gain brillant des mêmes obtenteurs ; classée dans la série des thés, elle a été mise au commerce en 1880.

La rose Papa Gontier est une reine parmi les reines du monde des fleurs. La décrire telle qu’elle est nous paraît bien difficile ; il faut la voir dans toute sa beauté pour la comprendre et l’admirer aussi complètement qu’elle le mérite, et la chose est tellement vraie, qu’il suffit, pour l’expliquer, de rappeler que le rosier produisant cette fleur merveilleuse, s’expédie, depuis plusieurs années déjà, par dix mille pieds à la fois, chez les Américains, nos rivaux. Il est certain que la rose Papa Gontier est entrain de détrôner sans pitié, chez ces gens pratiques entre tous, non seulement notre éblouissant Général Jacqueminot adopté et cultivé par eux depuis longtemps, mais aussi la célèbre rose William-Francis Benett, d’origine américaine, et dont le droit d’exploitation commerciale a été payé, dit-on, la somme fabuleuse de 5,000 dollars ou 25,000 francs en monnaie française.

Le bouton de la rose Papa Gontier est une splendide merveille florale ; il atteint jusuq’à 6 centimètres, et plus, de longueur ; son élégante forme très allongée est toujours des plus gracieuses ; ses pétales, faits d’une chair marmoréenne et résistante, admirablement érigés, sont d’une ampleur étonnante. Il se présente fièrement, comme étant sûr de subjuguer et de charmer, généralement solitaire sur un pédoncule robuste, à l’extrémité d’un rameau droit, vigoureux et ferme. Son coloris, rose foncé très vif, réellement extraordinaire, est somptueusement ombré du carmin le plus attrayant qu’il soit possible de voir ; ce coloris éclatant et franc, possède encore le privilège inestimable et bien rare, de ne point se dégrader en teintes violacées et fâcheuses, qui déparent si rapidement toutes les autres roses de nuance rouge ou rose foncé, dès qu’elles s’entr’ouvrent sur la plante, ou après avoir été cueillies. Contrairement à ce phénomène regrettable, lorsque le bouton de Papa Gontier passe à l’état d’épanouissement, son coloris intérieur devient graduellement d’une rose toujours plus clair, toujours plus frais, sur lequel se répand doucement comme un joli rayon d’or lumineux et transparent, des pistils, couleur d’or aussi, se détachent, à ce moment, sur le fond de la corolle de la fleur largement épanouie, pendant que les pétales extérieurs, devenus immenses, ont conservé, presque intacte, leur nuance primitive. En un jour d’observation attentionnée, nous avons, devant témoins, mesuré quelques-uns de ces pétales dont plusieurs portaient dix centimètres en largeur, sur sept centimètres en hauteur. La rose, demi-pleine, entièrement ouverte, atteint souvent elle-même, douze et treize centimètres de diamètre.

L’arbuste qui produit cette fleur, hors de pair, est d’une grande vigueur ; sa force de résistance est considérable. Nous avons vu des jeunes plants de deux ans, atteindre, en roseraie, dans une terre forte et caillouteuse, une hauteur de un mètre vingt centimètres. Son bois, rouge sombre ou vert bronzé, suivant son degré de maturité, est gros et robuste ; il est amplement fourni d’aiguillons énormes et courts, presque droits. Son feuillage d’un beau vert sombre, luxueusement vernissé, est large et bien étoffé, il se défend victorieusement contre les attaques du terrible « blanc ou meunier » ; sa floribondité, généreuse entre toutes, est à peu près inépuisable ; elle ne peut être comparée qu’à celle bien connue du vaillant Safrano. Son forçage est des plus productifs.

Ainsi qu’à l’ordinaire, ce merveilleux gain français semble être, jusqu’ici, beaucoup plus répandu à l’étranger qu’en France. Nos meilleures découvertes nationales doivent si souvent aller se faire saupoudrer d’un peu de poussière exotique, pour nous paraître estimables, que cela n’est pas surprenant. Nous sommes ainsi faits ; l’étranger, bien avisé, ne l’ignore pas, et il sait en profiter. Il est juste de dire cependant, que la marché de Paris demande avec persistance, environ depuis deux ans, le bouton de Papa Gontier sans jamais en obtenir la quantité qu’il désire, mais en revanche, l’Amérique surtout, en est largement approvisionnée.

Nous avons personnellement la bonne fortune de posséder, en roseraie, plus de mille pieds de rosiers Papa Gontier plantés en lignes doubles, et lorsque la riche et puissante floraison de cet admirable arbuste s’épanouit au printemps, c’est un éblouissement indicible. Aucune expression ne saurait rendre le spectacle féerique offert, alors, aux yeux émerveillés.

La rose Papa Gontier constitue assurément, à elle seule, un véritable titre de gloire pour les obtenteurs favorisés. D’ici à peu d’années, cette fleur incomparable sera certainement cultivée partout en quantités prodigieuses, et le jour où la municipalité d’une grande ville, bien placée et bien inspirée, s’avisera de créer, dans de bonnes conditions, des massifs énormes de rosiers Papa Gontier dans ses squares ou dans ses jardins publics, de façon à leur permettre de se détacher brillamment sur le vert tendre d’une pelouse bien tenue, elle obtiendra sans peine un succès inoubliable.

Le bouton de Papa Gontier possède en outre les plus sérieuses qualités indispensables à la fleur coupée, destinée à l’expédition lointaine.

Et maintenant, pour terminer, nous dirons encore aux amateurs intéressés qui pourraient émettre un doute sur la véracité de ce que nous sommes heureux d’écrire ici, à titre d’hommage bien insuffisant sur la rose Papa Gontier.

« Notre floraison printanière va battre on « plein beau » sous peu de jours ; venez, voyez et jugez. »

Saint-Nazaire-du-Var, le 21 avril 1890. L. Roussin.
[Texte et chromo-lithographie in 'Journal des Roses', avril 1890]